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Histoire d'Algérie / Page 6
Colonisation française
Conquête impitoyable

Hussein Pacha et le consul de France Deval

— Hussein Pacha et le consul de France, Deval —
- Le mythe du coup d'éventail -

Histoire d'Algérie - Page 5 - La colonisation française
– Prétexte à une agression –

Préambule
es relations entre la France et l'Algérie étaient excellentes, puisque l'on peut lire au moment de la Révolution française les lignes suivantes dans le journal "Le Moniteur" de juin 1793 : "Tandis que l'Europe se coalise contre la France libre, une puissance Africaine (Alger), plus loyale et fidèle, reconnaît la République et lui jure amitié."

Alors, comment expliquer la dégradation des rapports franco-algériens ?
D'abord par la mise en perspective des liens qui unissent les financiers du dey d'Alger, les Bacri-Busnach, au consul de France, Deval, celui qui reçut le fameux coup d'éventail.
La famille algéroise Bacri-Busnach, avec la garantie du dey, avait livré à la France du Directoire d'importantes quantités de blé.

La plus gosse transaction que connut la régence s'ébaucha à Oran. En 1796 (ou 1793 d'après d'autres sources), les négociants juifs Bacri et Busnach firent sortir de Mers-el-Kébir plus de 100 navires chargés de blé algérien pour la France de Robespierre. Ces envois massifs de blé seront suivis par d'autres livraisons effectuées en 1797. Mais les souverains français qui se succédèrent, Napoléon Ier, Louis XVIII, Charles X, ne voulurent jamais honorer cette dette à l'égard d'Alger. Ainsi cette dette traînait depuis 1796, soit 31 ans !

Cette supercherie ne devait pas rester plus longtemps ignorée du souverain algérien. S'il peut admettre à la rigueur la déloyauté d'un négociant qui n'en était pas là à sa première escroquerie, il ne put supporter la tromperie de Deval. A ses yeux, il était inconcevable qu'un agent diplomatique, représentant d'une grande puissance, puisse tremper dans une basse combinaison financière. Et chose plus grave encore, le dey avait appris que, contrairement aux conditions que la France s'était engagée à respecter, les Français avaient fortifié un emplacement qui avait été mis à leur disposition pour faire du commerce sur le territoire algérien.

Drapeau de la Régence d'Alger Drapeau de la Régence d'Alger

— Drapeau de la Régence —

Les faux prétextes invoqués par la France pour envahir l'Algérie
e consul français Pierre Deval, en fonctions à Alger de 1816 à 1828, avait mauvaise réputation. William Schaler, consul des U.S.A. en Algérie (1816-1824), qui le côtoya, le décrivait comme un homme de moralité douteuse, « un proxénète » qui s'était longtemps acoquiné avec le dey, profitant de ses cadeaux et de ses largesses avant d'entrer en conflit avec lui.
Le 30 avril 1827, Hussein Hodja, Dey d'Alger, se jugeant offensé par le consul de France et mécontent du retard apporté par la France au remboursement de créances auxquelles il était intéressé, demanada au consul français de se retirer. Et, d'après des témoins, comme celui-ci ne bougeait pas et semblait refuser de sortir, le dey le toucha du bout de son éventail pour lui indiquer la sortie. C'est ce qu'on a appelé le "coup d'éventail", et c'est pour ce geste que la France trouvera prétexte pour déclarer la guerre à l'Algérie.
Deval adressa le soir même son rapport à Paris ; il déclarait avoir été frappé sans provocation et demandait qu'on donnât à cette affaire "la suite sévère et tout l'éclat qu'elle méritait."

En juin 1827, le gouvernement de Charles X, n’ayant pas obtenu d’excuses, ordonna le blocus d’Alger qui durera trois ans. Ce blocus s'étant révélé inefficace, sera suivi du débarquement des troupes françaises, commandées par le général de Bourmont, à Sidi Ferruch (à l'Ouest d'Alger), le 14 juin 1830.

C'est donc dans l'enthousiasme général que s'effectue le départ, le 16 mai 1830, de Toulon, d'une flotte de 567 navires.
Les troupes françaises, fortes de 37.612 hommes, 91 canons et 457 bâtiments navals, allaient donc "venger l'honneur" de la France. Elles s'emparèrent d'Alger, suite à la capitulation du Dey, le 5 juillet 1830. Ainsi commença la conquête d'un pays alors faiblement peuplé (3 à 5 millions d'habitants).

L'affaire du coup d'éventail du 30 avril 1827 a été popularisée par les livres d'histoire et les gravures de l'époque, et ainsi pendant des décennies, des générations d'écoliers ont appris et rabâché que ce coup d'éventail avait provoqué la prise d'Alger en 1830. Aujourd'hui encore, certains continuent à croire à cette image d'Epinal, comme quoi, il est parfois difficile de remettre en question ses vieilles certitudes.

Mais cette affaire ne fut qu'un prétexte, un mythe qui volera en éclats lorsque nous considérerons les causes plus lointaines et plus profondes qui entraînèrent cette invasion. Car l'expédition d'Alger, avait d'autres objectifs, comme nous allons le voir plus bas sur cette page. Et comme l'a fait remarquer ironiquement le chancelier autrichien Metternich : "Ce n'est pas pour un coup d'éventail qu'on dépense 100 millions et qu'on expose 40.000 hommes."

La piraterie
a France n'était pas visée par les corsaires algériens car des accords avaient été signés entre les deux pays. Des corsaires algériens étaient même venu préter main forte à François Ier, lors du siège de Nice.
D'ailleurs en 1830, la course n'était plus pratiquée depuis 1816.

La vérité concernant le coup d'éventail
Voici un autre texte écrit en 1930 par Robert Louzon (1882-1976).
C'est un Français décoré de la Légion d'honneur, gagnée pendant la Grande Guerre, preuve s'il en est qu'on peut être patriote et dénoncer les abus de la coloniasation commis par son propre pays.
Ce texte est suivi par un autre texte sur la vérité concernant la colonisation (voir page 6).

n 1794, la France était attaquée de tous côtés. Non seulement son territoire était envahi sur plusieurs points, mais son peuple et son armée risquaient d'être affamés. Ne produisant pas assez pour subvenir à ses besoins, elle ne trouvait nulle part où acheter le complément de grains qui lui était nécessaire. Nulle part... sauf en Algérie, dont le dey offrit à la Convention toutes facilités pour faire ses achats de blé.

Deux ans plus tard, le Directoire a succédé à la Convention, mais la guerre n'en continue pas moins, et l'Angleterre continue à poursuivre son plan d'affamer les armées de la République ; en outre... le Trésor est vide, ou presque. Le dey d'Alger offre alors au gouvernement français de lui prêter un million, sans intérêts, pour les achats de blé que celui-ci aurait à effectuer en Algérie. Le gouvernement français accepte, et les achats sont effectués notamment par l'intermédiaire de la maison Bacri et Busnach, gros commerçants juifs, auxquels d'ailleurs la plus grosse partie du blé qu'ils livrent à la France est fournie par le dey lui-même.

Les achats de blé ainsi effectués dépassent de beaucoup le million prêté ; la France ne les paie pourtant point. Qu'importe !
La France est riche et est personne d'honneur. Quand la paix sera revenue, elle réglera ses dettes. Le dey continue donc de fournir du blé à Bacri, et Bacri de livrer à la France.

1815 : la paix est revenue, c'est le moment de se faire payer. Bacri et le dey réclament leur dû. Mais chacun sait que la bourgeoisie française n'aime guère payer ses dettes de guerre. Elle estime qu'est suffisant l'honneur qu'elle a fait à ses créanciers en leur permettant de la sortir de l'embarras. Ils ont eu l'insigne honneur de l'aider à vaincre, que veulent-ils de plus ?

Malgré la paix et "l'ordre" revenus, le gouvernement de la Restauration fit donc autant de difficultés que ses prédécesseurs pour payer ceux qui avaient fourni de quoi faire le pain du troupier français. On objectera que certaines cargaisons avaient été de mauvaise qualité. C'était bien possible, même très probable ; il n'y a pas de raison pour que Bacri et Busnach aient fait exception dans l'honorable corporation des fournisseurs de guerre.
En conséquence, la Commission française, réunie en 1819, fit subir de sérieuses réductions aux factures de Bacri, en suite desquelles ce qui reste dû est fixé définitivement, d'accord avec Bacri et le dey, à une somme globale de 7 millions. Il n'y a donc plus qu'à payer.

Eh bien on ne paie pas. L'accord de 1819 stipulait que, sur les 7 millions, seraient retenues les sommes qui pourraient être dues par Bacri à ses créanciers. En conséquence, le Trésor français verse bien l'argent, mais il le verse à Paris, à la Caisses des Dépôts et Consignations ; aussitôt une nuée d'oppositions, de la part de créanciers de Bacri, vrais ou prétendus, se produit, et, en 1827, soit huit ans après que l'accord réglant définitivement le montant des sommes dues a été conclu, les tribunaux français n'avaient pas encore statué sur la validité de ces oppositions !

En 1827, donc, le dey n'était pas encore remboursé du million qu'il avait prêté à la France, sans intérêts, trente et un ans auparavant ! Bien plus, du fait des dettes que Bacri avait eu soin de faire en France, le dey risquait fort de ne jamais toucher un sou. Ainsi, sous couleur de satisfaire ses réclamations, on avait "rendu légale sa spoliation" (Esquer, La Prise d'Alger, p. 49)

Le dey d'Alger était ainsi magnifiquement récompensé de l'ardeur qu'il avait mise à faciliter le ravitaillement de la France affamée par l'Angleterre.

En cette année 1827, le dey d'Alger découvrit un fait bien plus grave encore, où la perfidie du gouvernement de la restauration dépassait vraiment toutes les bornes.
A l'extrémité Est de la Régence, à 500 kilomètres environ d'Alger, sur un point du littoral appelé La Calle, la France avait la concession d'un entrepôt commercial. Le gouvernement français, par la voix de son représentant à Alger, Deval, avait promis au dey que l'entrepôt ne serait pas fortifié (Esquer, La Prise d'Alger, p. 53.) ; c'était un emplacement pour faire du commerce, mais rien de plus ; ce ne devait point être transformé en une place forte. Or, la France avait fortifié la Calle, et le dey venait de l'apprendre.

Fortifications de La Calle en 1788

— Fortifications de La Calle (El-Qala) sur le territoire de la Régence en 1788 —
Légende : "Vue de la colonie de La Calle chef-lieu des établissements de la Compagnie royale d'Afrique sur la côte de la Barbarie - 1788"

Supposez que la France se soit conduite avec les Etats-Unis, pour le règlement de ses dettes de guerre, comme elle s'est conduite avec le dey d'Alger, ne croyez-vous pas que, bien avant que trente ans ne soient passés, la flotte américaine ne se serait pas, pour le moins, emparée de la Guadeloupe et de la Martinique, et ne serait même venue faire un petit tour à Brest ? Ou bien, supposez que la représentation commerciale des Soviets à Paris convertisse ses bureaux en forteresse, la France serait-elle longue à renvoyer l'ambassadeur soviétique chez lui, et à réoccuper par la force les locaux de la Représentation commerciale ?

Le dey d'Alger, lui, se contenta de demander des explications. Il les demanda par écrit au gouvernement français, et comme celui-ci ne répondait pas, il les demanda verbalement au consul de France.
Que vouliez-vous que celui-ci réponde ? Pour l'affaire de La Calle en particulier, il savait fort bien que c'était lui-même, Deval, qui s'était engagé à ce que le territoire ne fût pas fortifié, et il savait aussi que, malgré cela, on l'avait fortifié. Dans ces conditions, quand on n'a pas d'explications valables à fournir, il n'est qu'une ressource : c'est le prendre de haut. C'est ce que fit Deval. Alors, furieux, le dey s'emporta, injuria, et finalement donna au « représentant de la France » un coup de son chasse-mouche.

On tenait le prétexte !
Le gouvernement français, convaincu de mauvaise foi, allait châtier le dey coupable d'avoir "injurié la France". Car "l'honneur de la France" ne consistait pas à payer ses dettes le plus vite possible, l'"honneur de la France" ne consistait pas à respecter la parole donnée ; "l'honneur de la France" consistait à frapper celui qui lui reprochait ses actes déshonorants. "Je m'appelle lion" ; ma raison est la meilleure... parce que je suis le plus fort. Et je suis le plus fort, non seulement par les armes, mais par toute l'organisation de mensonges que, sous les noms divers d'enseignement, de littérature, de "culture", etc., j'ai créée pour me servir.
En conséquence, du mensonge je ferais la vérité. Toute une armée d'"intellectuels" proclamera par le monde, comme la vérité, comme une Vérité évidente et universellement admise, que j'ai été outragé sans raison, et que mon bon droit à m'emparer d'Alger est incontestable.

Il n'y a pas un Français, pas un élève de l'école primaire qui ne sache pas que le "coup de l'éventail" du dey Hussein est à l'origine de la conquête de l'Algérie ; combien y en a-t-il à qui vous avez appris, messieurs les Professeurs, l'histoire des fortifications de la Calle ? Il n'est pas un manuel d'histoire élémentaire qui ne contienne quelques illustrations du dey frappant le "représentant de la France", mais ce n'est que dans quelques rares livres, tirés à un petit nombre d'exemplaires, et enfouis dans les bibliothèques, qu'on peut trouver des renseignements sur les raisons pour lesquelles le dey était, ce jour-là, si fort en colère. Voilà l'"histoire" bourgeoise. L'emportement du dey est monté en épingle, mais les raisons de son emportement sont soigneusement cachées, car sinon, le lecteur pourrait s'apercevoir que si jamais "coup d'éventail" fut justifié, ce fut bien celui que reçut à Alger, le 30 avril 1827, le consul de France.
Robert Louzon - "Cent ans de capitalisme en Algérie 1830-1930 - La révolution prolétarienne 1er mars et 15 mai 1930" (Editions Acratie).

Prise d'Alger

— Prise d'Alger —

Les vrais raisons, moins honorables, de l'attaque contre Alger
Des raisons de politique intérieure
n fait, le gouvernement ultra du prince de Polignac espérait, par une campagne militaire, renouer avec les temps napoléoniens et ainsi consolider l'influence de la France dans le bassin occidental de la Méditerranée, par l'ouverture de marchés et de débouchés au commerce et à l'industrie naissante.
La recherche d'une victoire à l'extérieur, mais aussi le souci de juguler l'opposition intérieure en vue de rétablissement de la monarchie absolue dont rêvait Charles X, constituent les causes profondes de la rupture et de l'affrontement.
On cherche surtout dans un contexte de troubles sociaux où la révolte gronde à envoyer outre Méditerranée des populations présentant un danger pour l'ordre social.
Charles X comptait utiliser cette victoire pour renforcer sa légitimité de roi de France et faire plus facilement passer ses 4 ordonnances de Saint Cloud. Finalement, il sera renversé après les 3 jours de soulèvement des 27, 28 et 29 juillet 1830 (Les Trois Glorieuses).

Derrière le coup d’éventail, le pillage du trésor d’Alger
l ne faudra pas attendre longtemps pour que les véritables raisons de l'agression française contre l'Algérie apparaissent au grand jour, car aussitôt après son entrée à Alger, le général en chef de Bourmont, adressa l'ordre du jour suivant à son armée :
" Soldats,
La prise d'Alger était le but de la campagne. [...] L'éclat qui doit en rejaillir sur le nom français aurait largement compensé les frais de la guerre, mais ces frais mêmes seront payés par la conquête. Un trésor considérable existe dans la Kasbah ; une commission composée par M. le chef intendant de l'armée, de M. le général Tholosé et de M. le payeur-général, est chargée par le général en chef d'en faire l'inventaire ; dès aujourd'hui elle s'occupera de ce travail sans relâche, et bientôt le trésor conquis sur la régence ira enrichir le trésor français.
Le comte de Bourmont."

Le général ne fait même pas allusion au "coup d'éventail". Son ordre du jour donnait la véritable raison de cette agression contre l'Algérie, et avait pour but de signifier à sa soldatesque, qui allait se livrer au pillage et mettre la ville à sac, de ne pas toucher à ce trésor qui était d'ores et déjà réservé au roi de France et à sa clique.

Ce fait très souvent ignoré par le grand public, et absent des livres d'histoire de France, sera traité par quelques auteurs. Dans son livre "Main basse sur Alger, enquête sur un pillage" (Editions Plon), le journaliste-écrivain Pierre Péan, réécrivant l’histoire de la prise d’Alger, affirme que derrière le coup d’éventail, se cache une raison moins honorable, celle du pillage du trésor d’Alger. En effet, loin d'être une affaire d'honneur français outragé, l'expédition militaire contre l'Algérie fut donc un "hold up financier" jamais admis.

Dans un article du journal El Watan, Pierre Péan explique que le coup d’éventail reçu par le consul de France, qui a motivé l’occupation de l’Algérie, ressemble aux armes de destruction massive irakiennes : un subterfuge pour piller les trésors de la Régence.

La conquête d’Alger est avant tout le grand hold-up de l’Histoire, avec un butin de 4 milliards d’euros ! Il faut donc revoir les livres d’histoire...
Effectivement, les livres d’histoire ne parlent que du soufflet donné par le dey d’Alger au consul de France, Pierre Deval, comme prétexte donné par Charles X pour partir à la conquête d’Alger. Ils ne mentionnent que peu ou pas la raison de ce soufflet.

Il faut rappeler que la "côte barbaresque" était particulièrement riche en corail et que le pays exportait de la cire, des cuirs, de la laine et surtout des céréales.

Une dette que la France refusait d'honorer
n coup d’éventail en plumes de paon qui marquait l’exaspération du dey sur le comportement de la France et de son consul à propos du non-paiement par Paris d’une très vieille dette contractée lors des campagnes d’Italie et d’Egypte sur des livraisons de blé de la Mitidja.
Un premier accord sur cette dette avait été trouvé avec Bonaparte, sans être exécuté, et un deuxième avait été passé en 1819, approuvé par les Chambres et toujours non appliqué en 1827. Le consul de France était de surcroît un affairiste qui avait gagné de l’argent dans cette opération. L’affaire du soufflet a caché une opération de politique intérieure. Charles
X, qui était en grande difficulté face à des chambres où l’opposition libérale dominait, avait besoin d’importants fonds secrets pour acheter et corrompre les électeurs et les hommes politiques, et obtenir des chambres plus souples après leur dissolution. Charles X ne voulait plus de la Charte et avait l’intention de réinstaller une monarchie absolue. Or, tout le monde savait qu’il y avait beaucoup d’or et d’argent dans les caves de la Régence d’Alger.

Charles X et ses conseillers peuvent facilement être comparés à George Bush, Rumsfeld et autres faucons de Washington, tant la guerre d’Irak ressemblait à l’opération sur Alger montée par Charles X et de Bourmont. Les défenseurs de l’axe du bien existaient donc à cette époque, et si les mots utilisés pour habiller la conquête n’étaient pas tout à fait les mêmes, ils recouvraient les mêmes idées. Charles X allait défendre la Chrétienté contre les méchants barbaresques qui attaquaient les bateaux chrétiens en Méditerranée au nom du Djihad , alors que Bush défend les valeurs de l’Occident contre Ben Laden et ses alliés qui, eux aussi, se réclament du Djihad. Le premier allait chercher de l’argent, le second allait chercher du pétrole et imposer la "pax americana".

Certaines fortunes de grandes familles françaises se seraient constituées grâce à ce pillage d'après P. Péan.
Les plus grands bénéficiaires de cette conquête sont notamment les familles Sellière et Schneider. Charles X n’a pas eu le temps de récupérer l’argent d’Alger puisqu’il a été renversé quelques semaines après la conquête d’Alger.
D’autres ont détourné cet argent. Une partie est allée au Trésor français pour payer la conquête. Le reste est allé dans des poches privées. Celle de Louis-Philippe, d’abord, qui en a pris probablement la plus grande partie. Des militaires ont pu, à leur retour, mener grand train et acheter des hôtels particuliers, des tableaux, des attelages. De Bourmont, l’homme qui a conçu le plan de la conquête et l’a réalisée, en a pris également une partie pour poursuivre son combat légitimiste et tenter d’installer le fils de la duchesse de Berry au pouvoir.
Beaucoup de particuliers se sont également partagé cette manne et notamment la Maison Seillière qui avait été choisie pour assurer l’approvisionnement des 34.000 hommes et des 4.000 chevaux pendant deux mois. Seillière a affrété 357 bateaux pour ce faire.
Adolphe Schneider, le représentant de Seillière à Alger a permis l’évasion discrète de l’or détourné vers des ports non français et a racheté à bas prix les marchandises et objets volés par l’armée. La Maison Seillière (famille du baron Antoine Seillière, ancien patron du MEDEF) a été ainsi un des grands bénéficiaires de l’opération. C’est d’ailleurs avec l’argent d’Alger qu’ont été financées les Forges du Creusot.
Le développement de la sidérurgie française doit ainsi beaucoup à cet or spolié.

La conquête de l’Algérie devait s’arrêter au pillage d’Alger et des trésors de la Régence, la colonisation n’étant pas au programme de Charles X et de ses successeurs. Car, ne sachant pas comment allait réagir l’Angleterre, très opposée à la conquête, les buts assignés par Charles X à de Bourmont se limitaient à la prise d’Alger, au renversement du dey et à la saisie du trésor, comme nous l'avons vu plus haut dans l'ordre du jour de de Bourmont à ses troupes. La colonisation n’était pas encore à l’ordre du jour, et la décision d’annexer l’ancienne Régence n'est prise qu'en juillet 1834.

Les gouvernements français successifs (monarchie, république, second Empire, république à nouveau) hésitent sur le type de colonisation à poursuivre et sur le statut à octroyer a l'Algérie (nom donné pour la première fois dans un texte officiel français, en 1838).
Napoléon III (1808-1873), conscient de l'injustice faite aux Algériens, songe à un grand "royaume arabe", mais ses bonnes intentions ne survivront pas à sa destitution, après la défaite de Sedan devant les Prussiens, le 4 septembre 1870.

Une thèse très ancienne
a thèse de la spoliation de l'or algérien n'est pas tout à fait nouvelle. Avant que Pierre Péan ne s'en empare, au hasard d'une recherche sur la conquête de l'Algérie destinée à alimenter une biographie du duc de Bourmont, premier maréchal de la colonisation, un historien, Marcel Emerit, professeur à la Faculté des Lettres d'Alger, avait consacré en 1954 une étude à ce sujet. Il avait notamment découvert un rapport de la police française de 1852, qui, à partir des découvertes de la commission d'enquête gouvernementale sur l'or de la Régence, affirmait que "des sommes très importantes avaient été détournées et qu'une grande partie de ces spoliations avaient abouti dans les caisses privées de Louis-Philippe", rapporte Pierre Péan.

Au terme de son étude, le professeur Emerit estimait que ce Trésor "avait été la motivation centrale de la prise d'Alger, remettant ainsi en cause l'histoire communément admise sur l'origine de cette expédition, à savoir la vengeance de l'insulte à la France, commise par le Dey d'Alger et la volonté de mettre fin à la piraterie" des raïs, souligne Pierre Péan.

Aussi sensationnelle qu'elle pouvait être, cette thèse mise au jour en novembre 1954, avait peu de chances d'être entendue, les débuts de la lutte de libération nationale dominant l'actualité. Dix ans plus tard, l'historien Charles-André Julien conforta cette thèse en quelques lignes sans pour autant l'étayer. En 1985, l'écrivain algérien Amar Hamdani, reprit à son tour la thèse du professeur Emerit mais sans appuyer sa démonstration par des preuves suffisantes.

En reprenant lui-même cette thèse, Pierre Péan s'est appuyé sur une bibliographie abondante et surtout sur des pièces historiques consultées aux Archives départementales des Alpes-Maritimes à Nice. L'ensemble des rapports, correspondances, études, actes administratifs, comptes-rendus et procès verbaux consultés, sont cités à la fin de chaque chapitre de ce livre de 271 pages qui est édité opportunément à la veille du 50ème anniversaire du déclenchement de la guerre de libération algérienne.