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— Mohammed El Moqrani (El Mokrani) —
Mohamed El Mokrani
n 1870, un notable algérien, Cheikh El Mokrani (de son vrai nom, Mohamed Aït Moqran) est rétrogradé au titre de bachagha pour avoir soutenu la révolte du Cheikh Bouaqaz, un proche de son père, en 1864-1865.
El Mokrani, pour pallier la disette qui touche alors les campagnes, investit sa fortune personnelle et emprunte. L’empressement de ses créanciers et la pression des autorités l'oblige à hypothéquer ses biens.
A cela s'ajoute l'annonce du remplacement de l'autorité militaire française, dont il acceptait de dépendre, par une autorité civile. Il décide alors de se révolter, mais, en homme d'honneur, il en avise auparavant le général Augerand (Cf. Lettre de Mokrani au Gal. Augerand, en page 768 du Rapport de M. Léon de La Sicotière au nom de la "Commission d’Enquête sur les actes du Gouvernement de la Défense Nationale", Versailles, Cerf et fils, 1875). Après quoi il entre en rébellion en mars 1871.
Mais la première manifestation de l'insurrection est intervenue en réalité, dès janvier 1871 sous la forme d'une révolte de spahis qui ont refusé d'être envoyés sur le front de métropole, alors que les intéressés estimaient leur engagement valable uniquement pour servir en Algérie. Cette révolte, d'abord déclenchée à Aïn Guettar et à Mondjebeur, s'est ensuite étendue au Tarf et à Bou Hadjar, ainsi qu'à Annaba encerclée pendant 3 jours. Quelque 20 colons ont été tués, jusqu'à ce qu'une répression très forte soit engagée.
Est complètement fausse, par contre, l'assertion répandue selon laquelle le décret Crémieux du 24 octobre 1870, attribuant la citoyenneté aux juifs d'Algérie, aurait été la cause de la révolte kabyle. On sait cela par Mokrani lui-même, puisque sa lettre exposant les causes de sa rébellion au général Augerand ne contient pas la moindre allusion à ce décret. Cette légende a, en réalité, été inventée par les Européens et militaires locaux, hostiles à l'accession des indigènes à la citoyenneté.
Quoi qu'il en soit, la révolte des spahis fut amplifiée à partir du 16 mars 1871 par sa prise en main par El Mokrani, dont l'influence était très forte. Elle constitua la plus importante insurrection et la dernière d'Algérie durant l'occupation française.
Le mouvement soulève 250 tribus, près du tiers de la population algérienne. La plupart des villes et des villages de Kabylie et des Hauts-Plateaux sont pillés. Les insurgés sont contraints à la reddition après l’attaque de la Kabylie par les Français. Ils sont arrêtés à l’Alma le 22 avril 1871, et le 5 mai le bachaga El Mokrani meurt au combat près de l’Oued Soufflat. Les troupes françaises (vingt colonnes) marchent sur Tizi-Ouzou, Dellys et Draâ El Mizan. Le cheikh Haddad et ses fils se rendent le 13 juillet, après la bataille d'Icheriden. L’insurrection ne prend fin qu’après la capture de Bou-Mezrag, le 20 janvier 1872.
La répression fut très sévère et se traduisit par 100.000 Algériens morts, d'importantes confiscations de terres, l'exil de la famille Mokrani au sud, l'émigration de beaucoup d'Algériens, surtout vers la Syrie, la déportation d'une partie des "révoltés" en Nouvelle-Calédonie et la parution du code de l'indigénat (1881), très défavorable aux musulmans. Ce code réduisait notamment le droit de circulation, et définissait un statut fiscal alourdi.