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— Skikda - Musée Rusicade du Centre Culturel Communal Hassan Chebli —

HISTOIRE DU MUSEE DE SKIKDA
Le musée de 1859 à 1898
n janvier 1859, le prince Jérôme Napoléon, qui était alors Ministre de l'Algérie et des Colonies, adressait une circulaire aux fonctionnaires publics de l'Algérie, par laquelle il leur recommandait, dans le sens le plus étendu, d'aviser à la conservation des ruines, vestiges et débris de la domination romaine. Le premier musée de Skikda (Philippeville) doit sa création, en juillet 1859, à M. de Toulgoët, préfet du département de Constantine, et son importance à M. Adolphe Wallet, maire de Philippeville.

Le musée sera confié à son premier conservateur, l'architecte Joseph Roger qui avait contribué auparavant à sauvegarder le site antique du Théâtre Romain, convoité alors par les bâtisseurs de la ville coloniale. Ce premier musée, qui n'était en fait qu'une baraque en bois, sera installé dans l'enceinte du Théâtre Romain, plus exactement à l'emplacement de la scène. Par la suite, décision est prise d'exposer les collections au rez-de-chaussée de l'ancien Hôtel de Ville, mais malheureusement, l'employé communal chargé d'effectuer le déménagement, par ignorance, fit détruire une grande quantité d'inscriptions et de vestiges romains. Une perte qui demeure irréparable, bien que la plupart des inscriptions aient été relevées.

Ce sont messieurs Stéphane Gsell, archéologue, et Joseph Roger dans un premier temps, qui mettront de l'ordre dans le musée en s'attelant au classement et à l'inventaire des différentes collections.
En 1860, M. Joseph Roger, éditera le "Catalogue du musée archéologique de Philippeville".
Ce catalogue, organisé en deux sections, contient le détail explicatif des objets d’Antiquité, avec notice historique de chaque objet.
- La 1ere section embrasse la numismatique, céramique, toreutique et objets divers.
- La 2ème embrasse l’architecture, la sculpture, épigraphie et épitaphe.

Le musée de 1898 à 1953

— La cour du Musée —

'idée de la création d'un musée pour préserver et conserver de nombreux vestiges collectés et entreposés dans le théâtre antique de Rusicade a vite germé. Cependant, ce n'est que le 22 novembre 1898 que cette idée a vu le jour grâce aux subventions de la commune de Philippeville et de l'Etat ainsi qu'aux souscriptions publiques. Au premier musée succédera donc un véritable musée, bien que pendant quelques années encore, le Théâtre Romain continuera à servir de dépôt des marbres antiques. Louis Bertrand en sera le conservateur. Louis et François Bertrand contribueront à leur tour, à mettre de l'ordre dans le musée et publieront le "Catalogue du musée archéologique de Philippeville" (réédité en 1914) et "Histoire de Philippeville entre 1838 et 1903" (publié en 1903).

Le musée de Philippeville sera édifié dans un îlot de verdure, de palmiers et de roses sur 100 mètres de long et 30 de large, entre la rue Valée (rue Kaddour Belzidia) et la rue du Sphinx (plus tard rue Antoine Bruno et actuellement rue Ali Abdennour) et entre les rues St Augustin et Jugurtha. C'est l'architecte Henri Ranoux qui supervisa le projet. Le musée était constitué de 3 pavillons, dont l'un de style mauresque, reliés entre eux par une vaste et belle terrasse. L'ensemble était sur deux niveaux (rez-de-chaussée et premier étage). Le musée abritait plusieurs sections : archéologie, armes, marine, histoire naturelle et art moderne.

La pavillon consacré à l'archéologie était célèbre pour sa statuaire en marbre blanc provenant, selon le chercheur américain John Hermann de différents sites comme Filfila, Carrare (en Toscane, Italie), Paros en Grèce et d'Asie Mineure, et aussi pour ses stèles funéraires numido-puniques en granit et en grès et le célèbre verre dit "de Rusicade".
Il comptait près de 1.500 pièces, dont 64 colonnes, 61 bases, 108 chapiteaux, 22 sarcophages, 10 bornes et colonnes milliaires, 9 statues, 19 statuettes, 9 bustes, 1 cadran solaire, 1 dolium ou grand vase en terre cuite d'une capacité de 1.000 litres, un médaillon en mosaïque représentant Bacchus, des têtes, des torses, des moulins, des margelles de puits, ainsi qu'un grand nombre de poteries, de lampes et d'objets en verre, en os, en bronze et en plomb.

Le musée, un des plus grands du Maghreb, était l'un des plus riches en collections archéologiques de l'Afrique du Nord. Il possédait en effet près de 300 morceaux différents provenant de découvertes faites au cours des constructions d'immeubles de la cité moderne. A côté de cela, 15 sarcophages, quelques mosaïques de belle facture, des fragments de statues, et plus de 200 inscriptions donatistes.

Au centre de la salle du rez-de-chaussée, se dressait une statue colossale de l'Empereur Hadrien, un buste de Caracalla, la statue d'un Génie, etc...

— Intérieur du Musée —

Dans les vitrines, des ossements trouvés lors de la construction du square, en face de l'Eglise, sont attribués à la martyre Digna, patronne de la Basilique donatiste sur les ruines de laquelle a été édifiée l'église. La tombe contenait le squelette entier, la tête reposait sur une brique et 4 clous de fer de 10 cm de longueur l'entouraient.

Dans la salle du premier étage, quelques tableaux dons de l'Etat ou de particuliers ; une carte de l'Algérie oeuvre du peintre et archéologue J. Chabassière, auteur d'une reconstruction scientifique et vraiment captivante de la "Genèse du Monde".

Une autre salle renferme des armes, souvenirs de la conquête, et en particulier un canon provenant de la corvette la Marne, naufragée en rade de Stora en 1841, et un autre, souvenir du siège de Constantine en 1837.

La salle de pêche, organisée, bien avant la guerre, lorsque Philippeville possédait une Ecole de Navigation, rassemble tous les engins de pêche utilisés dans la baie de Philippeville-Stora, ainsi qu'une collection de la faune marine de la région.

Sur la façade du Musée sont érigées avec bases et chapiteaux, 18 colonnes en marbre du Filfila, et 4 autres en granit de 4 mètres de hauteur.
Cette colonnade donne une idée de ce que pouvaient être les monuments romains, à l'époque de la splendeur de Rusicade.

— Le Musée —

Parmi les pierres curieuses du Musée, il faut signaler un autel funéraire en grès, trouvé à CELTIANIS, dans le douar Beni-Ouelbane, à 14 km de Sidi-Mesghich, et qui rappelle que "LUCIUS HORATIUS CRESCES A VECU 110 ANS : QU'ICI TU REPOSES EN PAIX."

Un autre autel funéraire en grès de la même origine consacré aux Dieux mânes "PUBLIUS JULUS JANNARIS A VECU 95 ANS. IL REPOSE ICI."
Un autre "CÆCILIA URBANA A VECU 91 ANS. ELLE REPOSE ICI."
Rue Georges Clemenceau (Avenue Didouche Mourad), à l'angle de la rue d'Austerlitz, en 1891 on a trouvé une pierre funéraire en grès portant que : "CAIUS PACTUMEIUS PHILOCALUS A VECU 103 ANS. IL REPOSE ICI."
Une autre encore consacrée aux Dieux mânes : "QUINTUS FABIUS A VECU 101 ANS. IL REPOSE ICI."

Sur le flanc de Bou-Yala, face à l'abattoir, un sanctuaire souterrain consacré au Dieu Mithra devait exister car, on a retrouvé en 1845, trois statuettes représentant, la première, un monstre à corps humain et à tête de lion, les deux autres symbolisant CANTES le soleil du printemps, et CANTOPATES, soleil de l'automne. Plus loin un grand récipient de marbre rose dont un serpent encercle le bassin et qui est de la même origine.

Dans les vitrines, un grand nombre d'objets en verre, récipients, urnes, miroirs etc...
Dans un autre rayon, de nombreux objets en os et en bronze : épingles, anneaux, clous, bagues, cuillers, coquetiers, cadenas, hameçon.
Deux vases contenant des grains de blé, et un grand nombre de petites statues, de lampes, de fragments divers de têtes, etc...

La collection du musée était donc l'une des plus riches, non seulement d'Algérie, mais aussi du Maghreb. Mais malheureusement, après les bombardements durant la guerre 1914-18 qui en ont détruit une partie, le musée va connaître sa pire période.
Des actes de vandalisme et de vol d'une grande partie de la collection ont caractérisé la période qui s'en est suivie, et cela bien avant l'indépendance de l'Algérie. En 1953 sur décision de la municipalité de Philippeville, dont le maire d'alors était M. Paul Benquet-Crevaux, le musée sera détruit pour être remplacé par l'immeuble "Les Palmiers".
Quelles pouvaient être les véritables motivations d'une telle décision ? On est en droit de tout supposer, car la dispersion aux quatre coins de la ville des collections du musée, créait la confusion nécessaire pour que des disparitions de pièces puissent passer inaperçues. Il est évident que cette scandaleuse manœuvre a permis que des vols soient commis aisément.

Après la destruction du musée en 1953
es pièces du musée furent dispersées et entreposées en divers endroits, dont l'hôtel de ville, le stade municipal (actuel stade du 20 Août 1955), les caves des bâtiments "HBM" et celles des bâtiments HLM de la rue du 62ème de Ligne (actuelle rue Boudjemâ Lebardi), dans l'enceinte du Théâtre Romain et à l'intérieur du Théâtre Municipal.

Les pièces se trouvant à cet endroit furent inventoriées en 1967 par l'historienne mandatée par la Direction Nationale des Antiquités, des Monuments et des Sites Historiques. Quant aux pièces se trouvant actuellement au musée Rusicade, du Centre Culturel Communal Hassan Chebli, elles furent enfermées dans l'ex-hangar Vassas, une ancienne fabrique d'ébauchons de pipes.
Elles furent découvertes en 1980 par le vice-président de l'APC chargé des affaires culturelles et le regretté Salah Ouadi, l'instituteur des premières années de l'indépendance, poète humaniste et premier directeur du Centre Culturel Communal Aissat Idir.
Il fallait trouver un espace pouvant accueillir ces trésors oubliés, recouverts d'une épaisse couche de poussière. Quelques années glus tard, envoyée par la Direction Nationale des Antiquités, le Docteur Nacéra Benseddik, se rendit sur les lieux, accompagnée d'un représentant de l'UNESCO qui apprit que le célèbre musée de la ville, dont les collections étaient internationalement connues d'Istanbul (musée de Topkapi) à New York, en passant par Berlin et Paris, fut détruit en 1953 par les autorités coloniales sans qu’il fût procédé à sa reconstruction à un autre endroit.
Il fallait trouver un espace pouvant accueillir ce patrimoine archéologique et devant faire office de musée. La tâche n'était pas aisée mais l'idée de sauvegarder l'édifice appelé communément "Château Bengana" et de le transformer en musée finit par germer. Il s'avéra nécessaire de constituer un dossier en vue de son classement comme monument et site à préserver. Tel était aussi le vœu de la représentante de la Direction Nationale des Antiquités. Le vice-président de l'APC chargé des affaires culturelles présenta le dossier devant la commission nationale de classement des sites et monuments historiques du ministère de la culture. Cependant au cours de la même année l'édifice, qui devait être classé sous le nom de "Palais Meriem Azza" fut acquis par la wilaya qui entreprit sa restauration pour en faire la célèbre villa d'hôtes que l'on connaît. Les pièces archéologiques du hangar Vassas devaient attendre encore quelques années avant de sortir de l'oubli et être sauvegardées à leur tour.

Au milieu du mois d'octobre 1987, la destruction du hangar Vassas, dans le cadre de la réalisation de la future Gare Routière Mohamed Boudiaf, débuta sans que furent prises les précautions nécessaires. La chute de la panne faîtière et d'autres éléments de la toiture étêta la statue d'Antonin le Pieux et lui arracha le moignon qui restait du bras droit. Un très grand "dolium" en terre cuite, récipient à grains d'une capacité de mille litres, fut réduit en miettes et perdu à jamais. De "Mithra enfourchant le taureau" il ne resta que le tronc. Beaucoup de petites pièces se mêlèrent aux gravats et disparurent.
La mobilisation d'hommes et de femmes de culture parmi lesquels les regrettés Salah Zaïd, Mohamed Bouchehit et Ahcène Khelfa Sahel, tous membres de l'Association d'Histoire et d'Archéologie, finit par convaincre les autorités locales de la nécessité de consacrer un espace de sauvegarde et d'exposition pour ces trésors. Tel le phénix, le musée de Skikda put renaître de ses cendres. Mais il reste beaucoup à faire...

— Skikda - Centre Culturel Communal Hassan Chebli —

Le musée aujourd'hui
ujourd'hui le musée est situé au 10, rue Abdallah Bengharsallah, en face de la mairie au Centre Culturel Communal Hassan Chebli.
J'ai visité le musée, mais je n'ai malheureusement pas pu obtenir d'autorisation pour prendre des photos, puisque à chaque bureau où on m'a demandé de m'adresser, on me demandait d'aller voir un autre "responsable", qui à son tour me dirigeait vers un autre "responsable", bien sûr à l'autre bout de la ville... J'ai fini par abandonner car sinon j'allais y passer la totalité de mes congés ! Je me suis donc contenté des extérieurs du musée. Peut-être aurai-je plus de chance une prochaine fois.

— Skikda - Musée Rusicade du Centre Culturel Communal Hassan Chebli —

Le musée actuel, beaucoup trop petit, et surtout inadapté, n'est pas digne d'une wilaya comme celle de Skikda et n’est pas à la hauteur du passé prestigieux de la ville.
D'ailleurs plusieurs statues et sarcophages, deux fois millénaires, sont dans la cour du musée, exposés aux dégradations de toute nature. Sans oublier d'autres vestiges exposés dans le parc du Théâtre Romain.

Skikda mériterait un grand musée digne de ce nom avec système de protection contre les intrusions et les vols, système de protection contre la dégradation naturelle (hygrométrie, etc).
Ce musée abriterait toutes les pièces qui sont disséminées à travers la ville (tableaux, colonnes, statues, et autres objets exposées aux intempéries et aux actes de vandalisme).
Avec toute la richesse patrimoniale de Skikda, ce musée pourrait de nouveau être l'un des plus grands d'Algérie, et constituer un des éléments touristiques majeurs de la ville, et même de la région. On peut imaginer qu'il comporterait plusieurs grands espaces (archéologique, colonial, artisanal, etc).

— Skikda - Musée Rusicade - Une des statues romaines de la cour du musée —
- Statue de sénateur municipal de Rusicade -

— Skikda - Musée Rusicade - Sarcophages romains de la cour du musée —

— Skikda - Musée Rusicade - Rencontre amicale avec un groupe de jeunes musiciens —